Et maintenant ?

Le 17 juin dernier, le conseil constitutionnel a rendu son verdict à propos d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) portant sur l’article 19 de la loi d’urgence COVID n° 2020-290 du 23 mars 2020.

Dans son délibéré, il a rendu une décision qui apporte un éclairage aux litiges concernant l’abstention exceptionnelle constatée lors du 1er tour des dernières élections municipales.

Le conseil constitutionnel a ainsi déclaré qu’il appartiendrait « au juge de l’élection, saisi d’un tel grief, d’apprécier si le niveau de l’abstention a pu ou non altérer, dans les circonstances de l’espèce, la sincérité du scrutin ».

Si la pause estivale s’est depuis traduite par un nombre d’audiences très faible dans les différents tribunaux administratifs de France (à l’exception notable et médiatisée du jugement d’annulation de l’élection municipale de Malville par le TA de Nantes), le mois de septembre est très chargé en audiences pour traiter les milliers de recours formulés dans notre pays.

Un grand nombre de décisions en délibéré sont connues ou devraient être connues dans les prochains jours, et l’on peut d’ores et déjà faire un certain nombre de constats :

Les rapporteurs publics plaident la plupart du temps pour le rejet sur le fond des recours formulés et sont le plus souvent suivis par les tribunaux : ils argumentent d’une part en soulignant qu’à elle seule, l’abstention n’a jamais représenté un motif d’annulation du scrutin et que, d’autre part, les abstentionnistes pouvaient établir des procurations.

Concernant ce dernier point, nous savons parfaitement que la plupart des abstentionnistes sont des habitants qui, face à la crise du COVID 19, ont craint pour leur santé et préféré ne pas se déplacer après avoir écouté les messages des autorités sanitaires et politiques qui les conviaient à la plus grande prudence. Dans ce cadre, le message du Premier ministre annonçant le samedi 14 mars au soir (veille du scrutin, alors qu’il était tout-à-fait impossible d’établir la moindre procuration) la fermeture des commerces, des bars et des restaurants du pays, ce message fut dévastateur en termes d’abstention ! Il est clair que les procurations ne pouvaient alors évidemment plus constituer une option. Un certain nombre de requérants ont pu démontrer cela au travers des attestations de témoignage qu’ils ont recueillies auprès d’habitants.

Concernant le niveau de l’abstention et le fait qu’à elle seule, elle ne peut constituer un motif d’annulation du scrutin, l’analyse des cahiers d’émargement du 1er tour pouvait permettre de démontrer que certaines classes d’âge étaient, du fait de « l’abstention contrainte », sous-représentées dans la démographie du scrutin alors que d’autres étaient au contraire sur-représentées. Or toutes les classes d’âge n’étant pas sensibles aux mêmes thématiques, propositions et arguments développés dans les programmes des différents candidats, l’abstention COVID a dans ce cas précis entaché de fait la sincérité du scrutin.

Certains auront, nous l’espérons, gain de cause. D’autres pas. Pour ces derniers, que faire ?

Le recours en Conseil d’État

Il s’agit d’une procédure gratuite pour laquelle il n’est pas obligatoire de faire appel à un avocat.

Comment lancer la procédure ?

Si le jugement vous est défavorable et que vous souhaitez contester la décision du juge il vous suffit, dans un délai de 30 jours suivant la notification de la décision du tribunal administratif, de faire appel de cette décision par un simple courrier déposé à la sous-préfecture, ou à la préfecture, ou au Conseil d’Etat, obligatoirement accompagné d’une copie du jugement du tribunal administratif (sans quoi votre appel sera jugé irrecevable).

Pour ne pas être immédiatement rejeté, ce courrier ne doit pas simplement dire que le tribunal administratif a mal jugé mais il doit expliquer pourquoi : vous devez donc reprendre les arguments développés devant le tribunal quitte à paraphraser des parties des mémoires que vous avez rendus en première instance.

  • Vous débuterez ce courrier en expliquant que vous faites appel devant le Conseil d’état du jugement XXX du 00/00/2020 rendu par le tribunal administratif de YYY.
  • Vous expliquerez ensuite en quoi le jugement du tribunal administratif méconnaît tel ou tel point du dossier, ou pourquoi son analyse de tel ou tel argument vous semble faussée. ATTENTION ! Vous ne pouvez pas développer dans votre courrier de nouveaux griefs qui n’auraient pas déjà été développés devant le tribunal administratif. D’éventuels nouveaux éléments que vous apporteriez ne seraient pas pris en compte !
  • Vous conclurez naturellement en demandant l’annulation du scrutin de l’élection municipale de votre commune.
  • A NOTER : à l’exception du jugement que vous avez reçu, il est inutile de renvoyer l’ensemble du dossier (mémoires et annexes) que vous aviez constitué pour le tribunal administratif. C’est bien ce dernier qui se chargera de transmettre le tout au Conseil d’Etat dans le cadre de la procédure d’appel.

 

Et ensuite ?

Le préfet notifiera ensuite les parties pour leur signifier qu’elles ont 15 jours pour tout délai à l’effet de produire leurs défenses. A l’expiration de ce délai, le préfet transmet au ministre de l’intérieur, qui les adresse au Conseil d’État, le pourvoi, les défenses et les pièces, auxquelles il joint son avis motivé.

Notez également que, dans tous les cas, s’il y a un appel de l’une ou l’autre des parties, l’équipe municipale en place le reste jusqu’à la décision finale du Conseil d’Etat.

En cas d’annulation et sans appel, une délégation spéciale est mise en place par le préfet pour gérer les affaires de la commune le temps qu’une nouvelle élection ait lieu, celle-ci devant être organisée dans les 2 mois qui suivent l’annulation.

Vous trouverez ci-après le textes du Code électoral qui régissent les modalités de recours.

Bon courage à tous ceux qui choisiront de poursuivre leur démarche jusqu’au bout !

 

Articles du code électoral

Article R97

Les recours en matière électorale devant les tribunaux administratifs et le Conseil d’Etat sont jugés sans l’intervention obligatoire d’un avocat au Conseil d’Etat.

Article L250

Le recours au Conseil d’Etat contre la décision du tribunal administratif est ouvert soit au préfet, soit aux parties intéressées. Les conseillers municipaux proclamés restent en fonctions jusqu’à ce qu’il ait été définitivement statué sur les réclamations. Toutefois, l’appel au Conseil d’Etat contre la décision du tribunal administratif n’a pas d’effet suspensif lorsque l’élection du même conseiller a déjà été annulée sur un précédent pourvoi dirigé contre des opérations électorales antérieures pour la même cause d’inéligibilité, par une décision du tribunal administratif devenue définitive ou confirmée en appel par le Conseil d’Etat. Dans les cas de cette espèce le tribunal administratif est tenu de spécifier que l’appel éventuel n’aura pas d’effet suspensif.

Article R123

Le recours au Conseil d’Etat doit, à peine de nullité, être déposé à la sous-préfecture, ou à la préfecture, ou au Conseil d’Etat, dans le délai d’un mois qui court à l’encontre du préfet ou des parties intéressées, à partir de la notification qui leur est faite et qui comporte l’indication dudit délai. Le pourvoi est jugé comme affaire urgente.

Article L251

Dans le cas où l’annulation de tout ou partie des élections est devenue définitive, l’assemblée des électeurs est convoquée dans un délai qui ne peut excéder deux mois, à moins que l’annulation n’intervienne dans les trois mois qui précèdent le renouvellement général des conseils municipaux.

 

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